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6 mai 2016

Chapitre 9 - Cœurs blessés -

 

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Réédition du Chapitre 9 

Chap 10 en cours d'écriture, à bientôt :)

 

 



 

Je suis réveillé par la sonnette de l'entrée. Je m'extirpe tant bien que mal de ma couette, l'esprit encore embrumé de sommeil et descend les escaliers en manquant m'écraser contre une marche après avoir trébuché.

Je suis encore dans le gaz quand j'ouvre la porte sur une Sarah rayonnante de bonne humeur.

- Salut marmotte!

- 'lut.

Elle m'embrasse sur les deux joues et passe devant moi pour entrer dans le salon.

- Je te réveille on dirait !

- Quelle heure il est ?

Elle sourit et m'annonce qu'il est déjà presque neuf heures.

- Merde ! Attends moi là, j'arrive tout de suite.

Je monte les escaliers deux par deux et lui crie de se faire un café si elle en a envie.

Je file m'habiller, attrapant les premiers vêtements qui me passent sous la main, passe par la salle de bain me brosser les dents et redescend à peine dix minutes après.

Sarah est assise dans la cuisine, une tasse de thé fumante à l'odeur de bergamote dans les mains. Je savais même pas qu'il y avait du thé ici !

Comme si elle avait lu dans mes pensées elle s'exclame :

- Je me suis fais chauffer de l'eau, j'ai toujours quelques sachets de thé sur moi. Bon t'es prêt ?

J'acquiesce d'un signe de tête et elle fini sa tasse cul-sec avant de sortir un trousseau de clé de son sac,

- C'est parti alors !

Et je la suis jusqu'à sa voiture. Enfin, si je peux apeller ça une voiture.

- T'es sûre qu'elle roule ?

Elle me regarde l'air faussement mauvais,

- Hey ! Évidemment qu'elle roule ma titine ! Faut pas se fier aux apparences, elle a un excellent moteur.

J'espère , parce que la carrosserie laisse à désirer. La peinture grise est toute écaillée , les portières avant jurent par leur couleur vert bouteille et les nombreuses traces de chocs n'augure rien de bon quand à la conduite de ma chauffeuse du jour.

- Allez, grimpe donc au lieu de faire cette tête là, rit-elle devant mon air médusé, je te promets qu'il ne va rien arriver !

Je m’exécute mais n'en suis pas soulagé pour autant. Je boucle immédiatement ma ceinture. Sarah m'imite, met le contact, et démarre la voiture dans un bruit de moteur à en faire pâlir un avion. Elle se tourne vers moi, les lèvres pincées :

- Bon, ok, elle est peut-être un tout petit peu bruyante.

Je la fixe l'air ahuri :

- Un tout petit peu en effet !

Et nous éclatons de rire à l'unisson.

 

Au bout de plusieurs minutes, j'arrive à me détendre contre mon siège, écoutant une mélodie des beatles s'échapper de l'autoradio.

Sarah chante à tue-tête, tapant des mains sur le volant et gloussant de sa propre voix de casseroles.

- Désolé, c'est horrible. Je pense que je vais sûrement faire tomber la pluie mais que veux-tu, j'adore ça.

- C'est bon, ça me dérange pas. Je trouve ça plutôt drôle en fait.

Je la regarde un moment, soufflant pour essayer d'écarter les mèches de cheveux rebelles devant ses yeux, dansant sur son siège en souriant. Elle respire la joie de vivre et je trouve ça vraiment rafraichissant. Sa bonne humeur me gagne et me fait du bien.

 

- Tu me fixes ! Lance-t-elle en me regardant en coin

- Ah, excuse-moi. Je me disais juste que ta bonne humeur était communicative. Et sinon, tu as toujours eu envie d'être barmaid ?

Elle réfléchit un instant avant de me répondre,

- Hmm, je dirais oui et non. J'aime le contact, je veux dire, parler aux gens. Donc je n'aurais pas pû travailler seule, ni dans un bureau, parce que je ne peux pas rester en place. J'ai besoin de bouger, m'animer, et je trouve que c'est un métier qui allie parfaitement tout ça. Et puis il y de la musique, de l'ambiance, c'est vraiment cool, non ? Ah regarde, on y est !

 

Elle se gare et je sors du véhicule, les yeux braqués au sol, réfléchissant à ce que je viens d'entendre.

 

Sarah a l'air d'avoir trouvé le métier idéal pour elle et j'aimerais vraiment avoir cette chance aussi. Je frappe du pied dans un caillou en soupirant, je n'ai aucune idée de ce que j'aimerais faire !

 

- On y va, ou tu préfère prendre racine sur le parking ?

Elle attrape mon bras et me tire vers une série de bâtiments. Je la suis sans rien dire pendant qu'elle me fait visiter, saluant au passage certains de ses amis, à qui elle me présente brièvement.

La fac est séparée en plusieurs pôles, chacun spécifique à un corps de métier. Ceux de l'art, avec la photographie ou la sculpture, entre autres. Ceux du bâtiment avec les maçons, plaquistes, peintres. Et ainsi de suite.

 

Sarah m'entraîne dans le pôle tourisme auquel elle dépend, qui regroupe aussi bien les guides touristiques que les serveurs ou les valets de chambre.

 

Nous franchissons une porte, puis une autre, descendont des escaliers, longeont un long couloir. Sarah m'entraîne dans chaque recoin, tout en me parlant un peu d'elle, de son parcours. Je sais donc qu'elle a un frère plus agé partit faire ses études à l'étranger, qu'elle à obtenu en juin dernier son diplôme de serveuse de restaurant, qu'elle adore les films d'action mais déteste les betteraves.

Elle fait une moue dégoutée :

- Franchement, je trouve que ça a un goût vraiment dégueu ! Et cette texture, ah rien que d'y penser ça me dégoute !

Je peux pas m'empêcher de rire, devant son air aussi sérieux, j'ai bien l'impression qu'elle pourrait partir en guerre contre les betteraves, là, maintenant.

 

Je lui fait part de mes pensées et elle rit avec moi après avoir fait mine de vouloir me coller une gifle.

Elle me pose quelques questions sur moi, sur pourquoi je suis là et comment j'ai atteri chez son patron. Je reste évasif, ne disant que le nécessaire sur la raison de ma venue ici, mentant un peu, beaucoup.

Quand à la raison pour laquelle je vis chez Manu, je décide de ne lui dire que les grandes lignes : Léo et sa gentillesse, la façon dont il a forcé la main à mon hôte pour qu'il me loge le temps de quelques jours.

 

- Et puis, je ne sais pas, continue-je, sans doute qu'il n'ose plus me mettre dehors maintenant. Je dois lui faire un peu pitié je suppose.

Je ricane pour me donner une contenance, mais le cœur n'y est pas. Sarah me dévisage étrangement, puis me tire soudain par la main,

- On va manger, annonce-t-elle, je vais te montrer le restaurant de la fac. Ce sont les apprentis qui y travaillent le midi, ça fait parti de la formation.

 

Nous nous installons à une petite table et mon nez se remplit déjà des délicieux parfums qui sortent de la cuisine. Mon estomac se met à gémir, comme à son habitude , ce qui fait sourire ma partenaire.

Un serveur en costume vient prendre la commande de nos boissons, en nous expliquant d'une voix fluette que le restaurant n'offre qu'un menu unique, que les apprentis cuisinier élaborent chaque jour.

 

Nous passons l'heure qui suit à manger, parler, rire. Tout est léger avec Sarah, et cette légèreté m'apaise et me fait un bien fou. Le repas se termine par un superbe crumble aux poires, que j'engloutis en quelques secondes devant son regard ébahis.

- Bah toi alors, t'es un gouffre sans fond ma parole ! Tu peux finir le mien si tu veux, si je mange encore une bouchée, j'explose.

Je ne me fais pas prier et termine le sien, avant de m'affaler sur le dossier de ma chaise.

- C'était parfait, soufflé-je.

Puis la journée passe doucement et nous quittons la fac, sans que j'ai trouvé un quelconque métier me convenant, malheureusement.

J'ai le sentiment amer de ne pas avoir les capacités pour quoi que ce soit, mais j'efface cette désagréable sensation d'un geste, ne voulant surtout pas gâcher cette journée, la meilleure depuis des années.

 

Nous passons la fin de journée à flâner dans le centre ville, nos blousons remontés jusqu'au nez pour parer l'air frais de novembre, puis nous décidons qu'il est temps de rentrer lorsque le ciel, assombrit, devient menaçant.

 

Il pleut à verse lorsque la voiture s'arrête devant la maison de Manu et je reconnaît cette odeur si caractéristique de l'orage qui approche.

Sarah lève les yeux sur le ciel gris en se maudissant d'avoir chanté tout à l'heure, puis elle m'embrasse, me fait promettre de venir la voir au bar, et repart en me faisant signe de la main. Je la regarde s'éloigner sous la pluie, ne rentrant que lorsque sa voiture disparaît dans un virage.

 

Je frappe doucement à la porte et celle-ci s'ouvre presque immédiatement sur Léo.

- Super, on attendait plus que toi, dit-il en passant sa main dans mes cheveux, tu nous aides ?

Je suspends mon blouson trempés à la paterre et les rejoint à la cuisine, où Manu et Camille s'appliquent à étaler de la pâte à pizza sur le plan de travail, tout deux farineux de la tête aux pieds.

Je ne peux pas m'empêcher de pouffer en les voyant ainsi, ce qui fait se retourner Camille, qui me saute dans les bras. Baptisant par la même occasion mes vêtement de farine, ainsi que mon visage, qu'elle prend dans ses petites mains couverte de poudre blanche, avant de me faire un bisou sonore sur la joue.

- Salut, ma belle, murmuré-je en l'enlaçant un instant avant de la reposer au sol. Tu t'amuses bien à ce que je vois.

Elle hoche la tête et repars en sautillant s'occuper de sa future pizza.

Je tente un regard vers Manu et bredouille un « bonsoir » mal assuré.

Merde, ce mec me déstabilise toujours autant !

Il me répond par un signe de tête,

- Tu n'es pas obligé de frapper à la porte tu sais, marmonne t-il en étalant de la sauce tomate sur la pâte à l'aide d'une cuillère.

- D'accord, répond-je les yeux baissés.

Je prends place sur un tabouret à côté d'eux et l'ambiance qui parraissait détendu à mon arrivé semble s'être alourdie. Un court silence s'installe, pesant, que Léo finit par rompre en me demandant comment s'est passée ma journée.

Un sourire s'étire malgré moi sur mes lèvres et je leur raconte tout en détails, n'omettant pas le fait que je suis toujours au point de départ question emploi.

- Tu trouveras, m'assure Léo en mettant la pizza au four.

- 220, dis-je bêtement. Et met un peu d'eau dans le lèche-frite, pour créer de la vapeur.

Manu me regarde sans comprendre tandis que Léo suit mes conseils et remonte le thermostat sur 220°.

- Tu sais que tu héberges un vrai petit chef ! Et un maniaque du thermostat.

Il s'esclaffe et je me tortille sur mon tabouret alors que Manu me fixe de ses yeux sombres.

Je sens son regard peser sur moi et je ne sais plus quoi faire pour me sortir de cet inconfort. Je me concentre sur Camille et tente de l'écouter me raconter sa journée. Mais je suis trop distrait par la personne en face de moi pour retenir ses paroles.

Merde, merde, merde !

Mon cœur s'accélère et mes mains deviennent moites quand j'aperçoit Manu se pencher vers moi, de l'autre côté du plan de travail.

Il lève un sourcil narquoit avant de balancer :

- Un chef ? Me fait pas rire Léo, il a même pas l'air de savoir s'occuper de lui, alors faire à bouffer !

Sa remarque me glace sur place et cette journée qui avait si bien commencé me semble soudain bien triste. Je ravale difficilement mes sanglots et je me demande pourquoi il a fallu que j'atterrisse chez ce mec. Je vois Léo éloigner Camille pour l'installer devant un de ses dessins animés qu'elle aime tant, et quand il revient, fermant la porte derrière lui, ses yeux brillent de colère.

- Mais c'est quoi ton putain de problème ? Assène t-il à mon hôte d'une voix sourde, tu peux pas fermer ta gueule qu'on passe une bonne soirée pour une fois ?!

- Laisse tomber, répond celui-ci en balayant l'air d'un geste de la main.

La main de Léo s’abat sur l'évier et je vois qu'il se contient pour ne pas hurler, de peur que sa fille ne l'entende.

- Tu vas faire payer tes problèmes à tout le monde ou quoi ? Réagis bon sang ! T'es plus le même, t'es devenu cynique.

- Tu me déçois, ajoute-t-il après un moment.

Cette dernière remarque semble avoir l'effet d'une gifle sur Manu, qui baisse la tête, penaud.

- Excuse-moi, chuchote-t-il, je...

- C'est pas à moi que tu dois des excuses, le coupe Léo en me montrant du doigts, c'est à lui.

- S'il vous plaît, ne vous disputez pas pour moi, dis-je d'une petite voix. Je ne voulais pas causer autant de problèmes, je partirai demain.

Je me lève et rejoins la chambre d'ami sans prêter attention à Léo qui tente de me retenir.

Je le suis reconnaissant d'avoir essayé, mais je ne peux pas être un poids dans la vie des autres.

Je me laisse tomber dans le lit, les yeux fixés au plafond j'essaye de mettre de l'ordre dans mes idées. Où est-ce que je vais aller maintenant ?

Au loin, le tonnerre gronde, comme un écho à cette soirée désastreuse. Je ferme les yeux et lorsque je rouvre les paupières après ce qui m'a semblé n'être qu'un instant, Manu est dans l'encadrement de la porte.

Il vient s'asseoir près de moi et le matelas s'affaisse un peu sous son poids. Je ne sais pas si je dois dire quelque chose ou le laisser parler. Je le regarde et pour la première fois, je vois qu'il a l'air aussi perdu que moi. Longuement, il se tient là, le regard dans le vide et cherchant de toute évidence des mots qui ne viennent pas.

Plusieurs fois, il tente de me dire quelque chose, ouvre la bouche, la referme, soupire.

Intuitivement, je comprends que lui aussi a été blessé par la vie, d'une façon ou d'une autre. Alors j'attends en silence, ne sachant trop quoi faire d'autre.

En bas, j'entends le téléviseur et ses personnages faire rire Camille et je suis rassuré qu'elle et Léo soit toujours là.

- Excuse-moi pour tout à l'heure.

Je me tourne vers Manu qui a les yeux fixés à ses mains, posées sur son jean.

- C'est bon, c'est moi qui me suis imposé de toute façon.

- Je crois que je n'ai plus trop l'habitude, tu sais, de partager mon quotidien. Je crois...

Il hésite et reprends un ton plus bas,

- Je crois que tu perturbes ma routine et que ça me fait peur.

Je suis surpris de l'entendre me dire ça, parce que s'il y a bien quelque chose dont il n'a pas l'air, c'est d'avoir peur. Surtout pas de moi. Il se frotte la nuque, visiblement mal à l'aise de son aveu et malgré la situation, je me surprends à le trouver terriblement beau, encore une fois. Je ne cherche même pas à chasser cette pensée qui me réchauffe.

- Je pense qu'on est deux à être effrayé dans ce cas, lui dis-je franchement.

- Mais j'aimerais bien que tu restes, si tu es encore d'accord.

Il avance sa grande main vers moi et m’ébouriffe doucement les cheveux, en me fixant de ses yeux noir qui me transpercent. Je sens mes joues virer au rouge cramoisi et me frotte le visage, espérant par ce geste lui cacher mon embarras. J'ai l'impression que mon corps tout entier se délecte de sa caresse et je soupire d'aise tandis qu'il continue. Lorsque, calmé, je lève le visage et croise son regard, j'y lis un mélange d'étonnement et de bienveillance.

Puis, sans crier gare, il m'embrasse. Un baiser rapide, doux comme le battement d'ailes d'un papillon. Un baiser qui me réchauffe un peu le cœur.

Quand il s'écarte, je vois dans ses yeux le reflet de ma propre surprise.

- Je ne sais pas pourquoi je...

Il n'a pas le temps de finir sa phrase que mes lèvres se posent sur les siennes malgré moi. À cet instant je me fiche de savoir pourquoi il m'a embrassé, ni pourquoi je lui rends son baiser avec plus de ferveur en m'accrochant à lui. Tout ce que je sais, c'est que là, ses mains puissantes enserrant délicatement mon visage tandis que sa langue cherche la mienne, je me sens renaître. Et c'est bien la seule chose qui m'importe.

 

Il tire légèrement mes cheveux, m'arrachant un gémissement, puis plus rien.

- Je crois que ça aussi, ça me fait peur, avoue-t-il son front soudé au mien.

- Moi aussi.

- On a au moins ça en commun dans ce cas.

Nous restons immobile une minute, son souffle qui caresse mes lèvres engourdies, sa main sur ma nuque. J'ai peur de rompre ce contact, la douceur de sa peau, son odeur qui m'enveloppe.

Peur qu'il change encore d'humeur, d'avis, peur d'essayer de mettre des mots sur cette étrange relation que je noue avec cet homme.

J'entends les marches grincer et m'écarte d'un bond à l'autre bout du lit, pas du tout envie que Léo nous surprenne comme ça. Je serais incapable de lui expliquer ce que je ne comprends pas moi-même.

- Ça va mieux ? demande-t-il en entrant, dis-moi que cet abruti s'est excusé et que tu vas rester, sinon j'ai bien peur de devoir faire un malheur !

- Je reste, annoncé-je timidement.

Le reste de la soirée passe tranquillement, dans la bonne humeur retrouvée et lorsque Camille finit par s'endormir roulée en boule sur les genoux de son père, celui-ci décide qu'il est temps pour eux de partir.

Dehors, le tonnerre gronde plus fort et les éclairs tracent des lignes incandescentes dans l'obscurité de la nuit. Emmitouflé dans un plaid, je les regarde danser par la fenêtre, sursautant à chaque fois que le ciel se déchire. Manu vient me rejoindre sur le canapé, déposant un chocolat chaud devant moi.

- Tu sais, si tu vis ici il va falloir qu'on établissent quelques règles.

Je souffle sur ma tasse et avale une gorgée de liquide, qui me brûle un peu la langue.

- Je t'écoute.

- Premièrement, ne pas crier dans la maison à 9h du mat'. Parce qu'autant que tu le saches, je ne suis pas du tout matinal.

Il a dû m'entendre ce matin, pensé-je.

- Désolé. Et deuxièmement ?

De sa poche, il sort une clé, retenue par une petite lanière en cuir, et me la tend.

- Le double de l'entrée, pour toi.

Je la range précieusement dans la poche de mon jean avant de le remercier.

- Tu n'auras plus besoin de frapper maintenant, tu peux aller et venir comme tu veux.

- Merci. Troisièmement, continué-je, je m'occupe de la cuisine et du ménage tant que je n'ai pas de boulot.

- C'est pas nécessaire.

- Si si. C'est la moindre des choses et ça ne me dérange absolument pas.

- Si tu insistes, j'accepte.

- Alors, est-ce qu'il y a autre chose que je devrais savoir maintenant que je vis officiellement sous ton toit ?

- Des tas, ricane-t-il, mais j'ai pas envie de te faire fuir tout de suite, Léo me tuerait vraiment cette fois.

- Tu le connais depuis longtemps?

- Mmh, assez oui.

Il se perd dans ses pensées et je le regarde discrètement par dessus ma tasse. La tête posée négligemment sur sa main, il a l'air d'être à des années lumières d'ici, admirant le mur d'en face comme s'il lui cachait un quelconque mystère. Une ombre, fugace, passe sur son visage jusqu'alors détendu, puis de nouveau il sourit.

- Léo et sa manie de ramener des chiens errants. soupire-t-il finalement.

- Pardon? fis-je sans comprendre.

Il secoue la tête comme si cette dernière remarque n'avait pas d'importance et s'étire bruyamment avant de se lever.

- Disons qu'à moi aussi, il a su tendre la main. Allez, vas te coucher, il est tard.

À lui aussi ? Alors le deuxième c'est…

- Attends ! Quand tu dis « chien errant », tu veux dire que moi..?

Il sourit, narquois, ses yeux moqueurs qui me fixent,

- Tu comprends vite.

- Hey !

Je t'en foutrais du chien errant moi !

J'attrape un coussin, lui jette au visage, mais il esquive mon geste et attrape mon projectile au vol.

- Hé bien, hé bien. Dit-il en s'avançant vers moi, l'air amusé . Je te donne mes clés et voilà le remerciement.

- Je suis pas…

- C'est bon, calme-toi le fauve.

- Mais je suis pas…

Son bras vient se poser sur le dossier du canapé juste derrière ma tête et toute ma véhémence s'éteint avec ce geste.

- Détends-toi, ok ? C'est fou ce que tu es susceptible.

J'abdique.

- Il a fait quoi pour toi, Léo ?

- Rien qui te regarde, répond-t-il en se renfrognant.

Sympa !

- Donc on peut parler de tout, mais pas de toi ?

Je me lève pour aller mettre ma tasse vide dans l'évier et il me suit.

- C'est ça, dis-toi que c'est une autre de nos règles de cohabitation : pas de questions sur mon passé.

Je n'insiste pas plus, supposant qu'il doit avoir ses raisons pour ne rien vouloir me dire. J'espère juste qu'il n'a pas un passé de Serial Killer dont il aurait omis de me parler ! Quand je lui fait part de cette idée, il pouffe de rire.

- T'en as d'autre des comme ça ? Franchement, j'ai une tête d’assassin ?

Parfois, oui !

- T'aurais dû te voir ce soir-là au bar, celui où on s'est rencontré. J'ai bien crû que t'allait me tuer pour avoir commandé un cappuccino !

- Ah, fait-il décontenancé, j'avais eu une journée de merde.

- Ouais, moi aussi.

Je tente désespérément de ranger ma tasse fraîchement lavée, ouvre un placard qui n'est pas le bon, en essaye un autre, toujours pas celui-là.

Manu me laisse chercher en silence et après plusieurs essais infructueux - Y'a pas idées d'avoir autant de rangement dans une cuisine !- je trouve enfin le bon. Je me met sur la pointe des pieds pour poser la tasse sur l'étagère du haut, mais elle glisse et manque s'écraser au sol, rattrapée de justesse par une main qui apparaît à mes côtés.

Posté derrière moi, Manu la replace doucement, mais au lieu de reculer comme je le pensais, il garde ses mains posées sur le meuble, ses bras s'étalant de part et d'autre de mon visage. Je le sens contre mon dos, un peu trop proche à mon goût, dépassant la limite de mon espace vital. Cet espace nécessaire pour que mes jambes ne tremblent pas en sa présence, pour que mon pouls ne s'affole pas, que mes mains ne soient pas si moites.

Délicatement, il pose son menton au sommet de mon crâne et je peux sentir son torse se soulever au rythme de sa respiration.

Ok, je viens de perdre toute ma capacité de concentration !

- Tu vas me casser toute la vaisselle si je ne fais pas attention.

- Mmh ?

Apparemment, j'ai aussi perdu l'usage de la parole.

Il prend une profonde inspiration et je sens ses lèvres bouger sur ma tête.

- Ça sent bon, tes cheveux.

- C'est ton shampoing, articulé-je difficilement.

- Non, c'est toi, affirme-t-il en prenant une nouvelle inspiration, juste toi.

Je ne sais plus quoi dire ni faire, alors je reste bêtement les bras ballant, regardant mes pieds nus sur le carrelage.

- Est-ce que ça te dérange si je reste un peu comme ça ? Chuchote-il d'une voix rauque.

Incapable d'émettre le moindre son, je lui fait non de la tête. Ce mec va me rendre dingue, tour à tour distant puis si proche, colérique puis bienveillant.

Et moi qui suit pas foutu capable de lui résister, j'ai un sacré problème !

- Je suis bien là. C'est doux.

Cette dernière remarque a raison de moi et je me laisse aller contre son torse puissant dans soupir, tandis que ses bras se referme autour de moi.

- T'es vraiment bizarre, lui fis-je remarquer en posant mes mains sur son avant-bras.

Il rit dans mes cheveux.

- Je sais. C'est un de mes nombreux défauts.

Je me surprends à caresser sa peau sous mes doigts et je sens Manu frissonner dans mon dos. Je me laisse envelopper tout entier par lui, qui me surplombe de toute sa hauteur. À cet instant, je me sens encore plus petit que d'habitude. Mais qu'importe, je ne veux bouger pour rien au monde.

Depuis combien de temps mon cerveau ne s'était-il pas mis sur off, comme maintenant ? C'était quand, la dernière fois que j'ai ressentis ce genre d'apaisement ? Des semaines, des mois, des années ? Avant de partir habiter chez mon oncle et de subir la perversité de mon cousin.

Mon cousin… cette pensée m'arrache un gémissement douloureux qui n'échappe pas à Manu. Des tremblements compulsifs parcourent mon corps et mes jambes me lâche, me laissant m'affaler sur le sol glacé dans un sanglot.

Fait chier !

Déjà, Manu est à genoux en face de moi.

- Ma faute ? Demande-t-il, visiblement inquiet.

Sa voix me parvient à travers un brouillard, lointaine. Je me concentre , m'y raccroche pour ne pas sombrer dans une nouvelle crise et réussi à lui répondre tant bien que mal.

- Mauvais...souvenir…

- Ok, Viens là. Dit-il en me prenant dans ses bras.

Il me porte sans effort, comme un enfant, et parcours la maison à grandes enjambées pour aller me déposer sur mon lit. Il tire la couette et je me laisse aller sur un des oreillers.

- Je t'amène un verre d'eau, fait-il en se levant.

- Attends ! Je tire sur le bas de son pull-over pour qu'il se rasseye.

- Juste un peu...avec moi. Ça va...passer.

Oui, je sais que ça va aller mieux s'il reste à côté de moi, car bien que je ne me l'explique pas, je sais que la présence de cet homme m'est bénéfique. Pourquoi lutter contre ça ?

Il acquiesce , ôte son pull, fais pareil avec le mien et vient s'allonger à mes côtés, rabattant la couette sur nos deux corps. Il me pousse un peu, passe son bras sous ma tête et me berce lentement, longtemps. Contre lui, la crise finit par passer et je me sens un peu bête de nous être mis dans cette situation.

- Mon cousin..,commencé-je, hésitant.

- Dis-moi, m'encourage-t-il.

- Je vais plutôt te montrer.

Je me redresse et fais passer mon tee-shirt par dessus moi. Il me regarde faire sans rien dire, attendant la suite. Alors je me retourne et lui expose courageusement mon dos balafré.

Silence.

Je reste là, gêné.

Puis le matelas bouge, ses doigts effleurent mes nombreuses cicatrices et son front vient se coller contre ma nuque.

- Putain, grogne Manu la mâchoire serrée, s'il était là je tuerais ce fils de pute !

- Ça servirait à rien, dis-je en me recouchant , c'est fait. Personne ne peut rien y changer.

- Ce mec peut pas s'en sortir comme ça !

- Laisse moi juste...oublier, ok ?

- Comme tu voudras, abdique-t-il en s'allongeant .

- Qu'est-ce que tu fais ?

- J'ai sommeil Alex, qu'est-ce que tu crois que je fais ?

- Mais, tu vas pas dans ta chambre ? Demandé-je, la gorge nouée.

Il soupire et me prends dans ses bras.

- Je te l'ai dit, je suis bien avec toi et j'ai l'impression que c'est réciproque. Alors est-ce qu'on peut attendre demain pour se poser des questions et juste profiter de l'instant ?

- …

- Si t'en as pas envie, je pars. Je ne te force à rien, sois tranquille.

- …

- Alors ?

Je réussi à balbutier un « ok » et il se cale un peu plus contre moi, réchauffant mon corps de sa présence.

- T'es un homme. lancé-je soudain.

- On ne peut rien te cacher, dit-il, amusé.

- Et moi aussi, continué-je sérieusement.

- Je pense que j'avais remarqué ! Allez, va au bout de ta pensée.

- C'est juste que...ce genre de situation...ce serait plus logique avec une fille, non ?

-Logique ? Demande-t-il, les yeux rivés aux miens.

J'acquiesce timidement, le visage rouge pivoine .

- Alex, je suis désolé de te dire qu'il n'y a aucune logique pour ce genre de choses.

- Mais toi, tu préférerais pas…

- Moi, Emmanuel, 28ans, suis gay. Gay, bon sang ! Lâche-t-il, visiblement à bout de nerf. Alors non, je ne voudrais pas que ce soit une fille avec moi sous les draps !

Oh…

- On peut dormir maintenant ? Reprend-t-il plus posément. Ou tu as d'autres questions comme celle-là?

- C'est juste que je suis un peu perdu, avoué-je. Je veux dire, c'est clair que je suis pas gay, alors pourquoi.. ?

- Ouais, c'est clair que tu l'es pas, sourit-il en m'embrassant sur le front.

- Je…

- Chut, dors ! M'ordonne Manu. On pourra encore avoir cette conversation demain.

Je me détends contre lui, pose une main sur son torse, respire l'odeur de sa peau … et alors que le sommeil à doucement raison de moi, une seule pensée me vient à l'esprit :

C'est clair que je suis pas gay, pas vrai ?

 

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Yaoi-fics
  • Ce blog est consacré à mes fictions yaoi,( relation homme/homme dc homophobes passez votre chemin!!). C'est la première fois que j'écris ce genre de fics alors soyez indulgent!! Je vais y mettre tout mon coeur et j'espère qu'elles vous plairont.
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